Amanda Sthers - Le lendemain, tout a changé
3 juillet – 24 septembre 2023
« Il y a une quinzaine d’années, j’ai acheté la photographie ancienne d’une jeune femme aux puces. Ce portrait qui avait peut-être jadis été chéri par un homme, était abandonné dans une boîte près de poupées cassées, anonyme, sans destin. De retour chez moi, je lui en ai inventé un, à travers une lettre qui lui était adressée. De brocantes en vide greniers, au fil des années, j’ai recueilli dans mon monde fantasque des enfants, des familles, des couples qui se mariaient, d’autres qui avaient du mal à faire semblant devant l’objectif.
J’ai pris les faibles indices, les dates au dos des photos, des prénoms, le lieu et j’ai inventé des histoires à ces gens dans ce que j’imaginais être leur langue. Parfois, je leur ai associé des objets ou d’autres photographies… Au lieu d’être des fantômes sans nom dans la poussière, ils sont désormais les héros d’un instant de vie fracassant qui devient une réalité dès que d’autres posent leurs yeux dessus, sourient, pleurent, partagent.
Il y avait dans cet exercice tout ce que ma vie d’artiste m’a amenée à faire, ça mêlait l’empathie, l’imagination, l’observation, l’esthétisme, la capacité à croquer une histoire en quelques phrases.
Ces oeuvres devaient être destinées aux murs de ma maison mais il m’en fallait toujours plus et je n’ai pu arrêter le besoin de m’inventer cet arbre généalogique imaginaire.
A l’heure de la multiplication des clichés virtuels, il nous apparaît avec plus d’évidence encore l’importance de ces photos souvent solennelles, quatre portraits devaient exprimer une vie: baptême, portrait, mariage, photo de famille.
Katy Wellesley Wesley, m’a autorisée à penser que j’avais créé des oeuvres d’art qu’il fallait exposer, faire vivre, puis Laura Serani qui est la curatrice de l’exposition qui va les mettre à l’honneur et a plongé dans mon album avec des yeux d’enfant et un regard de sage. Il est étrange pour moi d’avoir créé des oeuvres uniques et de savoir qu’elles iront dormir chez d’autres gens, continuer leurs destins sans moi.
Est-ce un hasard si je les expose l’année où mon second fils va lui aussi quitter le nid?
Je vous souhaite la bienvenue dans une part de ce que je suis. Je suis heureuse de vous présenter quelques uns de mes amis et ma famille imaginaires.»
Texte: courtesy Amanda Sthers
© Amanda Sthers, Courtesy : Galerie Huit Arles
Le commissaire de cette exposition est Laura Serani, auteur et commissaire d'expositions et de projets photographiques et audiovisuels. Elle collabore avec des institutions et des éditeurs de premier plan en Europe et ailleurs. Depuis 2019, elle dirige le festival Planches Contact à Deauville.
À propos de l'artiste
© sandrinegomezphotography
Amanda Sthers est née à Paris et vit aujourd’hui à Los Angeles. Elle a écrit seize romans, traduits dans plus de vingt langues et a été honorée du titre de Chevalier des Arts et des Lettres. Son dernier livre LE CAFÉ SUSPENDU va être adaptée pour devenir une série télévisée. Elle a écrit et réalisé quatre films et a travaillé avec des acteurs internationaux tels que Toni Collette, Rossy di Palma, Rosanna Arquette, James Caan, Jonathan Rhys Meyers, Tom Hollander, Harvey Keitel... Son dernier film PROMISES avec Pierfrancesco Favino, Jean Reno et Kelly Reilly a été présenté en première au Festival du film de Rome et s’apprête à sortir sur les écrans du monde entier.
Elle est également productrice. Sa société IDEA(L), crée des opportunités pour de nouvelles voix et des cinéastes féminines, et de pont entre les continents pour des talents émergents. BONNIE célébrant une directrice de casting légendaire a été présentée en sélection officielle à la Mostra de Venise 2022 et au festival du film américain de Deauville. MAFIA MAMMA, basé sur son idée originale, réalisé par Catherine Hardwicke et mettant en vedette Toni Colette et Monica Belluci est maintenant en postproduction et a été vendu dans le monde entier.
En tant que dramaturge, Amanda Sthers a écrit neuf pièces acclamées par la critique, dont son VIEUX JUIF BLONDE de 2006 entré au programme des cours de théâtre de l’Université de Harvard dispensés par le professeur Guila Clara Kessous avec laquelle collabore sur différents projets.
“Le lendemain tout a changé” est sa première incursion dans le monde de l’art contemporain.